« Il nous faut être intrépide, nous devons avoir le courage de regarder celui que nous appelons l’autre et lui dire mon frère, ma soeur, mon enfant. » En prononçant ces mots devant le Parlement européen lors du 60e anniversaire du Traité de Rome, il y a quatre ans, Barbara Hendricks mettait aussi en garde les pays européens et occidentaux contre le risque de laisser les « marchands de peur, de haine et d’exclusion » maîtres du discours et de la définition des identités nationales. Pour la chanteuse, née en Arkansas (USA) il y a 73 ans, s’engager pour les autres et tenter de les aider quelles que soient leurs origines est indispensable à son équilibre. Plus généralement, selon elle, si chacun s’engage, cela participe à l’équilibre de l’humanité.
« Je n’ai jamais oublié ces images.
J’ai su que je lutterais toute ma vie
contre la discrimination. »
« Enfant, j’étais sensible à l’injustice, comme je pense tous les enfants. Ne serait-ce que celle des parents qui portent parfois une attention plus grande à la soeur ou au frère ou celle qui peut exister à l’école dans la cour de récréation, mais à neuf ans j’ai été confrontée à la véritable injustice, celle de la ségrégation. » En 1957, neuf étudiants noirs devaient inaugurer la « déségrégation » en entrant dans un prestigieux lycée de Little Rock, capitale de l’Arkansas, jusqu’alors réservé aux Blancs, mais des centaines de soldats de la garde nationale, fusil au poing, les ont brutalement repoussés. En regardant un reportage sur l’événement, le soir à la télévision, la petite Barbara Hendricks, jusqu’alors protégée par ses parents des réalités de la ségrégation, en prend brutalement conscience. « Je n’ai jamais oublié ces images. J’ai su que je lutterais toute ma vie contre la discrimination. Je suis devenue activiste et j’ai continué jusqu’à aujourd’hui. »
Après avoir passé une Licence en mathématiques et chimie, elle étudie le chant à la Juilliard School of Music. Remarquée pour la qualité de sa voix pure et expressive, elle fait ses débuts en 1974 à l’Opéra de San Francisco et au Festival de Glyndebourne, puis dans les salles d’opéra du monde entier. Dans le répertoire du jazz, elle débute au Festival de Montreux en 1994. Barbara Hendricks est reconnue comme l’une des récitalistes les plus actives de sa génération.
Outre le répertoire du lied allemand, elle s’est distinguée comme une interprète majeure et une ardente défenseuse de la musique française, allemande et scandinave. Depuis les années soixante, elle se consacre à la défense des droits humains, aussi bien ceux des Noirs américains que de toutes celles et ceux qui en sont privés, notamment les réfugié·e·s du monde entier. Après près de vingt ans au service de la cause des réfugié·e·s en collaboration avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour
les réfugiés (UNHCR), elle a reçu le titre d’Ambassadrice Honoraire à Vie.